Avec sept romans et un recueil de nouvelles à
son actif, l’auteur Jérôme Ferrari, dont le dernier
roman, Le principe, est sorti en 2015 simultanément en France et en Allemagne, est devenu
une présence incontournable de la littérature
française contemporaine. Depuis 2012, lorsque
Le Sermon sur la chute de Rome a été couronné
par le prestigieux Prix Goncourt, Jérôme Ferrari est connu du grand public. Grâce au succès
international du Sermon sur la chute de Rome
et de ses traductions allemande, anglaise, italienne et espagnole, la presse, quant à elle, s’est
concentrée surtout sur la « trilogie corse ». Balco
atlantico (2008), Où j’ai laissé mon âme (2010)
et Le Sermon sur la chute de Rome (2012) sont
couverts de louanges, qui ne mettent que trop
souvent en avant le thème récurrent de la Corse
et de ses conflits. Ce regard réducteur risque
cependant d’occulter non seulement les enjeux
véritables de l’œuvre de Ferrari, mais aussi,
avec Aleph zéro (2002), Dans le secret (2007)
et Un Dieu un animal (2009), une partie considérable de son œuvre.
Les nouvelles et les romans de Jérôme Ferrari
gravitent autour de sujets comme l’effondrement
des empires, la faillite des systèmes de croyance et la perte douloureuse des repères – des
illusions et des certitudes – aussi bien à l’échelle
individuelle que nationale. Certains de ces textes, comme Un Dieu un animal et Où j’ai laissé
mon âme, s’intègrent dans ce que l’on pourrait
appeler la littérature des guerres françaises,
tant coloniales que postcoloniales. Ils y introduisent de nouvelles perspectives éthiques, entre
autre à propos de la dichotomie entre victime et
héros. Cet aspect constitue l’un des points de
départ pour la discussion sur ce qui fait la spécificité de l’écriture de Ferrari dans le contexte
de la littérature française contemporaine. Une
autre caractéristique consiste en les liens étroits
que l’œuvre de Ferrari entretient avec la philosophie : des philosophes comme Leibniz ou
Saint Augustin y sont aussi présents que – dans
Aleph zéro comme surtout dans Le principe –
les implications philosophiques de la physique
quantique. Les thèmes qui hantent les philosophes cités sont aussi ceux qui sont au centre de
son écriture ; ce sont les thèmes de la perte, de
la chute et de la rupture.