Miquel Marine - Université Paris Ouest Nanterre

Histoire, espace et structure du récit dans les romans de Jérôme Ferrari : entre perte et continuité

Le Sermon sur la chute de de Rome n’est pas le seul roman de Jérôme Ferrari à faire résonner dans le récit d'une histoire contemporaine une voix prononcée dans des temps plus anciens et dans un lieu éloigné : Balco Atlantico est construit autour de l’écho des paroles de Tariq ibn Ziyad à ses troupes après son débarquement en Andalousie, tandis que Le principe ou Où j'ai laissé mon âme sont principalement configurés par un dialogue entre un passé et un présent, respectivement entre l’histoire de Werner Heisenberg et du narrateur étudiant en philosophie, et entre le récit d'Horace Andreani et la focalisation interne autour du personnage du capitaine André Degorce. Mais ils sont aussi constitués d’autres éclats du passé : la guerre et la défaite en Indochine vécue par André Degorce et Horace Andreani, les errances de Vincent Leandri dans l’océan indien, etc.

La structure de chaque récit résulte ainsi d’écarts spatiaux et temporels, toujours porteurs d’un déracinement, mais également d’un ancrage dans l’histoire et l’espace de l’imaginaire propre à l’œuvre elle-même, par le biais de la mémoire. Nous nous proposons dans cette communication, en nous fondant sur les analyses narratologiques, notamment celles de Paul Ricœur dans Temps et Récit, de démontrer comment la structure du récit permet de (re)construire et de tenter de préserver une continuité historique et spatiale propre à l'imaginaire de l’œuvre de Jérôme Ferrari.

Nous nous intéresserons d’abord à la reprise, dans cette œuvre, de thèmes issus de l’historiographie, comme celui de la succession et de la chute des empires, du récit de conquête, de la question de la mesure du temps ou du passage de l’histoire familiale à l’histoire collective, pour nous attacher ensuite à étudier leur rôle dans la structure du récit et dans la construction d’une mémoire. Enfin nous nous efforcerons de déterminer comment le jeu des voix narratives, configuré à travers le temps et l’espace, assure la continuité, voire la complétude de l’imaginaire temporel et spatial propre aux œuvres, ou parfois, lorsque les voix se brisent et cessent de se répondre, conduit à sa perte et à l’affirmation de sa vacuité.

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